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Les omégas 3 remplissent-ils leurs promesses?

Cette entrée a été publiée dans Cardio-vasculaire, Omégas 3, et marquée avec Études, Hypertension, Oméga 3, Santé cardiovasculaire, le 29 avril 2013 par Jean-Yves Dionne.


Dans le Journal de Montréal et le Journal de Québec, le Dr Béliveau écrit (1) que les omégas 3 des suppléments n’auraient pas d’effet sur la pression, alors que ceux des poissons en auraient.

Il est évident, à quiconque a lu ou entendu Dr Béliveau, qu’il n’approuve pas l’usage des suppléments et produits de santé naturels. Cette chronique du 31 mars dernier en est une preuve de plus : « Une des carences les plus importantes de l’alimentation moderne est celle en oméga- 3. L’industrie de la transformation y a vu une opportunité d’affaires et plusieurs suppléments à base d’huile de poisson ont été mis sur le marché pour supposément pallier cette carence. Des observations récentes indiquent cependant que ces suppléments n’offrent pas les mêmes bénéfices que ceux associés à la consommation régulière de poissons gras.»

D’où vient cette affirmation ?

Dr Béliveau cite une étude in vivo dans laquelle les chercheurs ont injecté à des souris deux formes de DHA purifié (le DHA est un des deux omégas 3 de l’huile de poisson).(2) La forme de base (triglycéride) a provoqué un relâchement des muscles lisses des artères qui s’est traduit par une dilatation des vaisseaux sanguins et une baisse de pression. Cette découverte est intéressante parce qu’elle montre un mécanisme d’action possible pour un effet protecteur contre l’hypertension.

Par contre, la forme qu’on retrouve le plus fréquemment dans les suppléments (éthyle ester) n’a pas provoqué cet effet, d’où le commentaire du Dr Béliveau à propos des observations récentes qui indiqueraient que les suppléments n’offrent pas les mêmes bénéfices. Par contre, l’étude ne montre pas que la consommation de poisson gras a un effet sur la tension artérielle ; elle montre que du DHA injecté à des souris a cet effet sur les artères.

Injectable chez des souris vs oral chez des humains

Avez-vous déjà entendu parler d’injection d’omégas 3 chez l’humain? Personne ne consomme ses huiles de poisson ou son poisson par voie intraveineuse…

Peu importe la forme (triglycéride ou éthyle ester) des omégas 3, la prise orale implique que les huiles de poisson doivent passer par le foie où elles sont transformées en triglycérides et transportées dans le sang par des protéines (chylomicrons). On voit donc tout de suite qu’une injection, qui insère le produit directement dans la circulation sanguine, ne peut pas mimer la consommation orale dans laquelle le produit passe pas le système digestif avant de se retrouver dans le sang. La forme (triglycéride vs éthyle ester) n’aura pas le même impact dans ces 2 cas.

Bref, il est impossible, à partir de cette étude, de déduire que « Les aliments sont supérieurs aux suppléments », tel que mentionné dans l’article du Dr Béliveau.

Par contre, je suis parfaitement d’accord avec le Dr Béliveau lorsqu’il affirme que : « Aucun comprimé n’est capable à lui seul de compenser les impacts désastreux d’une alimentation de mauvaise qualité (…) ». Il faut d’abord bien manger, mais pourquoi jeter le bébé avec l’eau du bain?

Les omégas 3 dans « Les aliments contre le cancer »

Dans leur livre Les aliments contre le cancer (Trécarré ed. 2005), les Dr Béliveau et Gingras nous font comprendre qu’il est utile de consommer des poissons gras et des sources végétales d’oméga 3 pour prévenir les maladies cardiaques et les cancers. Ils mentionnent que les bénéfices de la consommation de poissons (omégas 3) sont de loin supérieurs aux risques des contaminants. Par contre, les auteurs ne parlent jamais des bénéfices possibles de la consommation de suppléments d’huiles de poisson. Les références qu’ils citent sur les omégas 3 tiennent cependant un discours différent en ce qui a trait à l’usage des suppléments.(3-5)

Référence #3: Dans cette référence, on peut lire: «Evidence from prospective secondary prevention studies suggests that EPA+DHA supplementation ranging from 0.5 to 1.8 g/d (either as fatty fish or supplements) significantly reduces subsequent cardiac and all-cause mortality. The fish recommendation must be balanced with concerns about environmental pollutants, in particular PCB and methylmercury, (…) Supplements also could be a component of the medical management of hypertriglyceridemia, a setting in which even larger doses (2 to 4 g/d) are required. The availability of high-quality omega-3 fatty acid supplements, free of contaminants, is an important prerequisite to their extensive use.» (Traduction libre: Les données provenant d’études prospectives de prévention secondaire suggèrent que la supplémentation en EPA+DHA à des doses entre 0,5 et 1,8 g/jr (soit sous forme de poisson ou de suppléments) diminue significativement la mortalité cardiaque et la mortalité toutes causes. La recommandation de consommer du poisson doit être équilibrée avec les préoccupations concernant les polluants environnementaux, notamment les PCB et le méthylmercure (…) Les suppléments peuvent aussi être une composante de la gestion médicale des hypertriglycéridémies, à des doses encore plus élevées (2 à 4 g/jr). La disponibilité de suppléments d’omégas 3 de haute qualité exempts de contaminants est un prérequis à cet usage important.)

Référence #4: Dans cette revue de documentation sur l’effet des omégas 3, les auteurs rapportent les données sur la consommation des poissons gras ainsi que sur celle de suppléments d’huiles de poisson: Les suppléments d’huiles de poisson (oméga 3, EPA+DHA) sont mieux documentés, les études cliniques à leur sujet sont plus nombreuses et leurs effets sont plus positifs que ceux de la consommation de poisson.

Référence #5: Il y est question des mécanismes d’action possibles des omégas 3 contre le cancer. Ici encore, plusieurs des nombreuses études citées dans cette revue de documentation basent leurs conclusions sur la prise d’huiles de poisson. Les auteurs mentionnent d’ailleurs que: «Several of the known risk factors for breast, and colon cancer may be favorably modified by dietary omega-3 FA supplementation (…)» (Traduction libre: Plusieurs des facteurs de risque connus des cancers du sein et du côlon peuvent être favorablement modifiés pas la supplémentation en acides gras omégas 3…)

Bref, ces 3 références prêchent en faveur de la consommation de suppléments d’omégas 3.

En terminant, j’aimerais rappeler que pour obtenir, sans supplément, les doses d’omégas 3 véritablement efficaces en prévention des maladies cardiovasculaires et des cancers (minimum 1 g/jr), il faudrait manger du poisson tous les jours et, selon le poisson choisi, jusqu’à 3 fois par jour…

Bref, oui, l’aliment d’abord. Par contre, dans le contexte des poissons contaminés, des sources d’approvisionnement incertaines et des techniques de pêches écologiquement dangereuses, les suppléments ont tout à fait leur place dans la vie d’aujourd’hui. D’ailleurs, au Canada, les huiles de poisson sont exemptes de toxines environnementales et ont subi un contrôle de qualité rigoureux… (voir aussi: Distinguer les omégas 3 et Huiles de poisson: made in USA?)

Santé!



Références:

  1. Béliveau R. Les suppléments d’oméga-3: un poisson d’avril ? 31 mars 2012. Journal de Montréal.
  2. Hoshi T, Wissuwa B, Tian Y, Tajima N, Xu R, Bauer M, Heinemann SH, Hou S. Omega-3 fatty acids lower blood pressure by directly activating large-conductance Ca2+-dependent K+ channels. Proc Natl Acad Sci U S A. 2013 Mar 19;110(12):4816-21. doi: 10.1073/pnas.1221997110. Epub 2013 Mar 4. PubMed PMID: 23487785; PubMed Central PMCID: PMC3607063. (texte complet accessible gratuitement)
  3. Kris-Etherton PM, Harris WS, Appel LJ; American Heart Association. Nutrition Committee. Fish consumption, fish oil, omega-3 fatty acids, and cardiovascular disease. Circulation. 2002 Nov 19;106(21):2747-57. Erratum in: Circulation. 2003 Jan 28;107(3):512.. PubMed PMID: 12438303. (texte complet accessible gratuitement)
  4. Rose DP, Connolly JM. Omega-3 fatty acids as cancer chemopreventive agents. Pharmacol Ther. 1999 Sep;83(3):217-44. Review. PubMed PMID: 10576293.
  5. Larsson SC, Kumlin M, Ingelman-Sundberg M, Wolk A. Dietary long-chain n-3 fatty acids for the prevention of cancer: a review of potential mechanisms. Am J Clin Nutr. 2004 Jun;79(6):935-45. Review. PubMed PMID: 15159222. (texte complet accessible gratuitement)